Colloque du 24 janvier 2020 – École nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville à l’initiative de Michel Goutal organisé par la revue « Pierre Actual »
Résumé des interventions, en italique commentaires hors intervention. Les coûts donnés sont à prendre avec réserves car ils incluent des paramètres différents suivant les intervenants, l’article de Pierre Actual devrait être plus précis sur ce sujet.
Intervention de Gilles Perraudin – Architecte

Gilles Perraudin réalise son premier chantier en pierre massive sur son domaine viticole en construisant un chai avec des blocs bruts de sciage de grand format et d’une épaisseur de 60 cm. Ce chantier, remarqué et apprécié, fût le début d’une série de commandes dans le milieu viticole pour d’autres chais.
Site de l’agence « Perraudin architecture »
Réalisation du musée des vins à Patrimonio en Corse, particularité > épaisseur des murs 60 cm sans isolant thermique, voir aussi des logements sociaux à l’Isle d’Abeau.
Dans sa réflexion, Perraudin estime que la terre et la pierre sont de même nature > la pierre a subit l’action de la pression et du temps, la terre celle de l’érosion liée au temps.
Remarque sur le fait que l’argile est une roche.
Tour en construction à Genève de 65 m de haut en pierre massive
Pour une maison individuelle > coût de la construction 160 000€ pour 90 m2 > bâtiment surélevé car inondable :


Le fait de revenir à la construction en pierre implique une redistribution des rôles > l’architecte retrouve son rôle créatif en dessinant l’appareil des pierres. Il se préoccupe de l’aspect structurel, rôle dévolu à l’ingénieur structure dans la construction en béton.
Construction de 2 immeubles collectifs à Plan les Ouates (Suisse) les portés entre murs sont de 5 m de façon à rationaliser la mise en œuvre des planchers bois.
La problématique de la règlementation est abordée pour l’isolation thermique et pour les chaînages d’angles en béton. Le DTU 20-1 n’impose pas de chaînage béton > le harpage suffit, toutefois imposé cette façon n’est pas toujours évidente auprès des bureaux d’études. Ce point est très important et le rôle du CTNMC est à approfondir.
La localisation des matériaux et de leurs transports fait parti des contraintes à prendre en compte pour la réussite d’un projet.
L’emploi de plancher bois implique une épaisseur de plancher plus grande, pour cette raison, il est parfois obligé de faire le choix de plancher béton.
Toutefois la mise en œuvre pierre massive > plancher bois est recommandé pour sa bonne tenue sismique, information donnée par des ingénieurs Italiens spécialistes de ces problèmes.
Plusieurs fois durant son intervention, Gilles Perraudin évoque l’aspect normatif défavorable à la mise en œuvre de la pierre, notamment l’obligation d’un isolant thermique intérieur, avec le retour d’expérience cette sujétion n’est pas nécessaire. Le DTU 20-1 (ouvrages en maçonnerie) propose le chaînage d’angle vertical qui oblige à évider les pierres d’angle et donc à les affaiblir. Gilles Perraudin invite à relire ce DTU avec attention car ce chaînage béton ne serait pas une obligation. Il fait part de ses difficultés avec les BET pour justifier sa mise en œuvre par le simple croisement des assises formant chaîne d’angle. La pose des blocs se fait avec un mortier de chaux et de poussières de pierre. Dans tous les cas il est nécessaire que le mortier soit plus tendre que la pierre. Perraudin évoque des soucis avec la mise en œuvre de mortiers préfabriqués (type colle à carrelage).
Sur les mortiers de pose, c’est la grande confusion, chacun met en œuvre suivant les habitudes de l’entreprise ou bien avec son expérience personnelle > à Paris j’ai une certitude : éviter absolument le ciment blanc de chez Lafarge, qui tâche pierre et dallage mis en œuvre avec ce liant (même à 20%).
Workshop « pierre, terre, bois » à Vauvert, organisé par l’agence Perraudin, cf article du Moniteur en lien.
Perraudin évoque la politique gouvernementale de l’après-guerre qui a mis en place la « politique des modèles » dans les années 1950 (voir procédé camus financé par le gouvernement). Le mode constructif en pierre massive disparaîtra au profit du béton du fait de choix politique et non économique comme le fait croire l’industrie du béton.
L’industrialisation du monde est la destruction du monde.
Intervention de Lehmann Laurent
Lehmann nous rappelle quelques figures contemporaines de la construction en pierre massive :
• Marcel Lods pour l’ensemble des grandes terres à Marly le Roi
• Jean Dubuisson pour les immeubles d’habitation à Athéna port à Cassis
• Georges Addor
• Jean Walter pour l’ensemble de la porte de La Muette
• Fernand Pouillon pour l’ensemble la tournette à Marseille et son œuvre considérable en région Parisienne, en Algérie etc… et l’inventivité du carrier Paul Marceron qui a remporté un concours d’état par la mise au point d’une machine de sciage toujours visible dans la carrière de Fontvieille.
• Le cabinet Eliet&Lehmann nous présente son projet > « les échoppes bastides » â Bordeaux (coût construction à 1600€/m2) en partenariat financier avec la caisse des dépôts et consignations
Lehmann présente une opération à Versailles (2000 €/m2) « les allées providence » hauteur sous plafond de 2,70 m, pour cette opération ils deviennent Architecte-Promoteur, disgression intéressante sur les statuts plus ou moins rémunérateurs de l’acte de construire.
Si architecte promoteur correspond environ à 7% hors taxe des travaux > 2% pour l’architecte.
Le promoteur prend 6 à 7% hors taxes du montant TTC des travaux, passe entre 11 et 17% sur les opérations types « loi Pinel ».
En effet ces informations interrogent sur le choix professionnel des étudiants en architecture, la pierre est pour eux le moyen de reprendre leur destin en main ??! J’ajouterai dans la liste Albert Laprade même si son œuvre se situe entre les deux guerres, car le Palais de la porte Dorée (construit en 1931) est résolument moderne avec un usage de la pierre qui dresse une épopée ornementale extraordinaire. Et qui ne connaît pas ses merveilleux croquis relevés à travers la France.
Intervention du CTNMC
70% des ressources par les producteurs (carrières)
30% par la vente de services ( études, formations etc…).
Cet organisme rétribué, à partir des taxes liées à l’exploitation des carrières, produit des documents indispensables pour la profession et informe sur la pierre et sa mise en œuvre, une lithothèque utile à tous
Intervention de Jean-Michel Battesti
Pierre massive pas tellement plus chère que le béton > reste le problème de l’isolation intérieure et des normes en vigueurs.
Centre d’archive pénitentiaire à Saint-Gilles du Gard
Coût construction hors VRD 915€/m2
Intervention Élisabeth Polzella
Son slogan « + de matière grise pour moins d’énergie grise »
12 années de travail au sein de l’agence Perraudin
Les 6 intelligences de la pierre :
• 1- intelligence urbaine
• 2- intelligence sociale (fierté)
• 3- intelligence architecturale
• 4- (j’ai zappé – sorry !)
• 5- intelligence économique
• 6- intelligence énergétique
Présentation du projet de la halle de Lamure sur Azergues
Les essais de résistance sur les tuiles en pierre 160 fois supérieurs à la norme.
Les murs sont percés à mi-hauteur pour bien montrer qu’il s’agit d’une structure en pierre massive.
Ramène le coût de la construction non pas au m2 mais au kilo !
Soit 2,5€/kg pour un poids de 86 tonnes ! Façon originale qui quantifie un coût et qu’il serait intéressant de croiser avec la surface construite, à creuser !
Intervention de Loïc Richalet
Recommande la lecture des « mémoire d’un architecte » de Fernand Pouillon aux étudiants présents dans la salle.
Présente le projet de la gare de Rueil Malmaison 15 millions d’€ pour 10 000 m2 grâce aux bons conseils de Fernand Pouillon dans son livre > ils mettent en place un bureau des méthodes avec l’entreprise Bouygues et ramène le coût de la construction à 13 millions d’€ au lieu des 15 prévus.
Présentation du projet de Romainville (1740€/m2) > le classicisme permet de sortir de la posture de l’architecte. Les structures porteuses sont toutefois en béton d’après ce que j’ai compris.
Intervention de Anastas
Voûtes en caisson armé et construction d’une voûte à double courbure

De la recherche avec le matériau « pierre », les voûtes revisitées, travaux très intéressants, reste à voir les processus de validation de structures, à priori les éléments hardis n’ont pas été construits dans notre Pays.

Journée riche en information, succès et intérêt de l’assemblée présente, curiosité et expression positive de la part des architectes qui ont présentés leurs réalisations avec à l’appui des ratios de coûts percutants.
Toutefois pour notre métier de tailleur de pierre > nous ne trouvons pas notre place, la carrière et les carriers prennent par contre une grande importance, L’entreprise qui met en œuvre apprend la technique en même temps que l’architecte sauf exception bien sûr ! En effet les appareils de pierre répondent à une demande architecturale qui emprunte largement à l’esthétique du « tout béton », pas d’ornementation, pas de moulure, pas de jeux d’appareils > les architectes repartent d’une page blanche, donc si la pierre revient en force, nous devrions retrouver naturellement une place par la complexification des projets. La formation donnée aux jeunes doit aussi évoluer et remettre l’esprit « constructeur » au centre des apprentissages. Comme dit feu Steve Jobs « quand la mer monte, elle monte pour tout le monde ! »
Gilbert Margueritte